Il y a cinq ans, je démissionnais d’un emploi qui correspondait pourtant à mes attentes. Il s’agissait d’un poste fixe avec des avantages sociaux, ce que je n’avais jamais eu auparavant.
J’ai démissionné pour un motif un peu gênant : personne ne me parlait vraiment.
Certes, il n’est pas toujours facile de s’intégrer dans un nouvel environnement de travail, mais là, j’ai toujours eu l’impression d’être laissé de côté. Je n’ai rencontré aucune hostilité, mais mes efforts pour établir des liens semblaient vains. Tous les jours, je me réveillais la boule au ventre et j’ai donc songé au télétravail. J’ai finalement commencé à porter des écouteurs tout au long de la journée. À ce moment, j’ai compris que je devais partir.
À l’époque, je me suis dit que je dramatisais la situation. Je suis alors tombée sur une étude sur l’ostracisme en milieu professionnel qui concluait que les personnes ostracisées étaient en réalité davantage susceptibles de démissionner que les personnes victimes de harcèlement.
La définition présentée par les chercheurs correspondait parfaitement à ma situation : « L’ostracisme professionnel peut prendre plusieurs formes : salutations ignorées par les collègues, exclusion des invitations de groupe ou encore silences lorsque l’on tente de rejoindre une discussion. »
J’ai échangé avec d’autres personnes dans le même cas afin de comprendre comment elles avaient surmonté cela et comment les collègues pouvaient se montrer plus attentifs et inclusifs.
L’importance d’être amical, même si vous n’êtes pas amis
Le sentiment d’exclusion au travail peut parfois nous rappeler l’époque du lycée. C’est ce qu’a ressenti Alice lorsqu’elle travaillait au sein d’une grande entreprise de cosmétique.
« Évoluant dans un espace ouvert, je pouvais tout entendre et tout voir. Un groupe de filles avait l’habitude de déjeuner ou d’aller boire un verre après le travail. Je n’étais jamais conviée », déplore-t-elle.
Alice précise qu’elle ne voulait pas forcément participer à une activité en groupe et qu’elle n’aurait pas toujours eu envie de se joindre à ses collègues. Le vrai problème était son exclusion évidente. « C’est très dur », confie-t-elle.
L’étude fait écho à ce qu’a vécu Alice : « Recevoir de l’attention de la part des autres indique que vous existez, que vous comptez et que vous avez un impact sur eux. »
La prochaine fois que vous organisez une activité en groupe, prenez le temps d’inviter les personnes qui ne semblent pas intéressées. Elles déclineront probablement l’invitation, mais au moins elles n’auront pas l’impression d’être transparentes.
Alice a finalement quitté son poste pour rejoindre une société de plus grande envergure. Si elle ne socialise pas encore avec ses collègues, elle ne ressent désormais plus aucune angoisse.
« Personne ne passe de temps ensemble en dehors du travail », déclare-t-elle. « Mais au moins, ce n’est pas personnel. »
Tisser des liens, même au-delà de votre service
Le besoin de faire partie d’une équipe est fondamentalement humain. « Contrairement à d’autres besoins fondamentaux, comme l’estime de soi, le sentiment de contrôle ou le besoin de sens, le besoin d’appartenance est presque entièrement déterminé par nos interactions avec les autres », précise d’ailleurs le rapport.
Après quelques années au sein d’une entreprise spécialisée dans les médias, Laura n’avait manifestement pas ce sentiment. « J’étais arrivée à un point où je devais mettre en copie de mes e-mails mon patron. Autrement, je ne recevais aucune réponse », confie-t-elle. « Je me sentais très isolée. »
Cependant, plutôt que de démissionner, Laura a retrouvé ce sentiment d’appartenance dans d’autres services de l’entreprise. « J’ai tout simplement décidé de nouer des liens ailleurs », raconte-t-elle. « J’ai finalement trouvé des collègues qui saluent et encouragent mes idées ainsi que mes contributions. Je me suis donc tournée vers ces personnes. »
Le travail d’équipe pour faire face à l’exclusion et la responsabilité des dirigeants
L’étude suggère aux dirigeants « d’accompagner les salariés dans l’apprentissage de méthodes de résolution de conflits plus directes et plus efficaces ainsi que dans la gestion des conflits relationnels. »
Cette approche est exactement ce dont avait besoin Elizabeth, après avoir été disqualifiée par sa propre équipe dans le cadre d’une promotion qu’elle pensait actée.
« Je suis arrivée lors d’une réunion avec l’ensemble du service et je pensais avoir le soutien de mon équipe », se remémore-t-elle. « J’ai alors appris qu’elle allait soutenir quelqu’un d’autre pour le poste. »
Elizabeth a été si bouleversée de voir son réseau lui tourner le dos qu’elle a pris un congé qui a duré plusieurs années. Durant cette période, elle a suivi une formation au cours de laquelle elle a pris conscience que son approche du conflit était incompatible avec celle du reste de l’équipe.
« J’ai ainsi pu surmonter ce sentiment de mise à l’écart sans raison », explique-t-elle.
Forte de ces enseignements, elle a pu retourner au sein de son entreprise, où elle pensait ne plus jamais remettre les pieds. Cette nouvelle perspective a totalement changé la dynamique.
« J’ai fini par apporter un soutien inconditionnel à la personne avec qui j’étais en conflit », admet-elle. « Ils avaient raison sur toute la ligne ! »
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