Les émotions n’ont pas leur place au travail. Seuls les messages clairs et décisionnels sont les bienvenus. Combien de fois vous l’a-t-on répété ? Parler de son ressenti au travail a longtemps été tabou (et pour de nombreuses entreprises, c’est encore le cas aujourd’hui). Cependant, les experts estiment qu’exprimer ses émotions présente au contraire de nombreux avantages. En réalité, ne pas exprimer ses ressentis (tels que le doute ou l’inquiétude) nuit fortement à l'entreprise.
Les chercheurs Hemant Kakkar et Subra Tangirala constatent que même les personnes naturellement enclines à émettre des idées et à proposer des suggestions peuvent s’abstenir de s'exprimer par crainte d’être rabaissées ou critiquées. « En revanche, le fait d’encourager et de récompenser la prise de parole incite davantage de personnes à s’exprimer, même si leur personnalité est naturellement plus réservée », expliquent-ils.
Ceci peut s’expliquer par le fait que les salariés sont convaincus que leur avis n’a pas d’importance, ou que leurs contributions sont limitées par leur hiérarchie sur le lieu de travail. Les responsables managériaux doivent être particulièrement attentifs aux sentiments et aux craintes de leurs collaborateurs. L’objectif : reconnaître la façon dont ces émotions affectent leur motivation, ainsi que leur capacité à accomplir leurs tâches.
C’est pourquoi la sécurité psychologique doit être une priorité.
Créer un espace sécurisé pour les salariés demande du temps. Mais fort heureusement, une formation coûteuse n’est pas nécessaire. Les seuls impératifs sont l'attention et la régularité.
La sécurité psychologique, c’est quoi ? En quoi peut-elle aider votre équipe ?
La sécurité psychologique, c’est un sentiment partagé selon lequel il est naturel d'être ouvert et sincère au sein d'un groupe. Selon Amy Edmondson, professeure à l’école de management Harvard Business School et à l’origine de ce terme, une culture d'entreprise qui offre un environnement psychologique sécurisé, c’est « un endroit où les personnes ne sont pas submergées de craintes, et n’essaient pas de couvrir leurs erreurs pour éviter d’être réprimandées. » En d’autres termes, le fait de s’exprimer et d’apprendre de ses erreurs est encouragé, voire même récompensé.
Néanmoins, les responsables doivent prendre conscience qu’être gentil et aimable ne suffit pas pour instaurer un climat de sécurité psychologique. En réalité, c’est tout le contraire. Selon la spécialiste, un certain niveau de désaccord positif sur le lieu de travail est essentiel. « La sécurité psychologique réclame de la sincérité, la possibilité d'être en désaccord de façon productive et de pouvoir échanger librement des idées », écrit-elle dans un article paru dans Quartz.
Et cette idée, Jake Herway, conseiller en gestion senior pour l’entreprise de recherche Gallup, peut en attester. Il décrit son travail au sein d’une entreprise qui s’est retrouvée au point mort en plein milieu d’une phase de transition importante. « D'après moi, il était évident que personne dans le service ne se sentait en confiance pour défendre ou suivre une nouvelle idée, un avis ou une critique, » écrit-il. « On ne peut pas dire que l’environnement était négatif… mais dès que le vrai travail commençait, il était très peu productif. »
Lorsque les responsables ou les collaborateurs font semblant de soutenir les idées des autres par politesse, ils passent à côté d'une vraie occasion de communiquer et d’apprendre au contact des autres. Des déclarations beaucoup trop aimables (en particulier celles qui sont fausses, vagues, ou qui s’adressent à la mauvaise personne), sont à l’origine de ce que Kim Scott, autrice de En toute franchise, appelle la « fausse empathie ». Ce type de comportement, qui privilégie la politesse au progrès, fait certes plaisir aux salariés à court terme ; cependant, il n’aide personne à se développer ou s’améliorer.
En revanche, les salariés qui se sentent impliqués et en mesure d’agir savent que leurs voix sont entendues et que leurs avis sont valorisés (et pris en compte) par l’équipe. Résultat : cela a un impact extrêmement positif sur la capacité d’une équipe à innover.
Comment instaurer de la sécurité psychologique au travail
C’est une chose d’affirmer que vous encouragez vos équipes à s’exprimer et à prendre des risques. Mais instaurer un réel climat de confiance en est une autre. C’est d’autant plus vrai lorsque vous prenez en compte la vitesse à laquelle le sentiment de sécurité psychologique peut s'évanouir. Il suffit d’une réplique impulsive pour mettre à mal une équipe entière.
En définitive, ce sont les interactions du responsable avec le reste du groupe qui détermineront si les membres de l’équipe se sentent en confiance pour exprimer leurs avis et leurs inquiétudes. En outre, les salariés souhaitent travailler avec des responsables qui se considèrent comme membres de l’équipe à part entière, en qui ils ont confiance, et qui agissent en toute transparence.
Responsables et chefs d’équipe : 4 méthodes pour améliorer la sécurité psychologique de votre équipe
- Reconnaître vos torts. Faites preuve de vulnérabilité et de sincérité. Ainsi, vous montrerez à vos collaborateurs que ce n’est pas grave de faire des erreurs (ni de le reconnaître face à l’ensemble de l’équipe). D’après Amy Edmondson, pour les responsables, il peut être aussi utile de s’excuser de ne pas avoir su encourageer un sentiment de confiance et de sécurité dans le passé.
- Solliciter la participation de l’équipe. Les chercheurs Alison Reynolds et David Lewis expliquent qu’un comportement trop hiérarchique réprime les initiatives. En effet, il fait peser la responsabilité sur l’individu plutôt que sur l’équipe entière. Demandez à vos salariés d’exprimer leurs avis dans le cadre d’un groupe. Ils se sentiront non seulement plus impliqués et responsables, mais également plus à même d’innover.
- Répondre de façon positive aux questions et aux doutes. D’après la société Gallup, seuls 30 % des salariés aux États-Unis pensent que leur avis compte au travail. Et ce ne sont pas uniquement les idées stratégiques qui ont besoin d'être valorisées. Par exemple, les responsables doivent également faire preuve de reconnaissance lorsque leurs collaborateurs pointent du doigt des délais irréalistes ou demandent des précisions sur un projet. Remerciez-les d’avoir exprimé leurs inquiétudes, et aidez-les ensuite à choisir les étapes suivantes.
- Passer l’éponge sur les erreurs commises par vos collaborateurs. Le pire ennemi de la sécurité psychologique est une réaction négative face à une erreur. Concentrez-vous plutôt sur le côté positif : une erreur a été commise. Elle peut être réparée. Il y a toujours une leçon à en tirer. Avant toute chose, un climat de sécurité psychologique préserve les collaborateurs de la crainte de se tromper.
Pour Karlyn Borysenko, psychologue d'entreprise et autrice de Zen Your Work: Create Your Ideal Work Experience Through Mindful Self-Mastery (Zénitude au travail : créez votre expérience professionnelle idéale grâce à la maîtrise de la pleine conscience de soi), accepter d’être vulnérable reste la clé.
« La meilleure façon de s’y prendre, c’est d’être un modèle pour votre équipe sur le plan de la sécurité psychologique, » écrit-elle dans un article publié dans le magazine Forbes. « En vérité, si vous n’apprenez pas à développer ce sentiment pour vous-même, aucune activité de cohésion des équipes ne vous aidera à atteindre votre objectif. »
Parlons de la confiance
De même que Mme Edmondson explique les différences entre sécurité psychologique et gentillesse, les responsables doivent également faire une distinction claire entre sécurité psychologique et confiance. Les deux concepts sont liés, mais l’un ne remplace pas l’autre. Au contraire : la confiance entre collègues et responsables contribue à instaurer cette sécurité, et inversement.
Un environnement de travail psychologiquement sûr instaure une collaboration constante et stable, et ce, en dépit des changements de rythme ou de charge de travail. Quand vos équipes se sentent en sécurité, elles sont mieux préparées pour affronter les défis à venir. Votre organigramme est une ressource immense. Il vous suffit de fournir à vos collaborateurs un espace sûr pour les laisser s’exprimer.